Y a de la joie ! – Introduction

Le Café Psy du 01.12.16

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La joie a beau être l’une des quatre émotions fondamentales -avec la peur, la colère et la tristesse – elle est sans doute celle dont la psychanalyse s’est le moins préoccupée. C’est pourtant la seule émotion… positive ! Faut-il y voir un lien de cause à effet ?

Qu’est-ce donc exactement que la joie ?

Comme toute émotion, la joie est d’abord corporelle. C’est un ensemble de sensations physiques. La respiration devient plus profonde, plus ample, avec une sensation d’espace dans la poitrine. Le coeur bat plus fort mais ralentit, la circulation sanguine s’accélère, ce qui provoque une excitation aussi bien motrice que mentale. On parle plus vite, plus fort, on pense plus vite aussi. On devient très réactif aux stimuli.

Comme toute émotion également, elle est un signal. Le signal que quelque chose de positif est en train de se passer.

Quelque chose de positif, mais quoi ? Qu’est-ce qui, exactement, déclenche notre joie ?

Comment nous vient la joie ?

Selon Darwin, ce serait surtout un « avant-goût du plaisir ». En observant des enfants, il constate que l’annonce d’un cadeau à venir suscite une excitation et une joie intense, et qu’une fois le cadeau en leur possession, l’agitation décroît. Il observe la même chose sur les chiens qui sentent arriver leur pâtée et se calment dès qu’ils y ont accès. Il faudrait donc ici différencier la joie et le plaisir. Mais Darwin ne confondrait-il pas alors joie et impatience ? S’il est intéressant d’associer la joie à l’idée de l’imaginaire, c’est à dire « je ne jouis pas de ce que j’ai, mais de l’idée que je m’en fais », on peut aussi considérer cette approche comme un peu réductrice.

Selon les philosophes

Spinoza élève le débat – comme souvent. Pour lui, c’est par les émotions que l’homme accède à la pensée. Il soutient que la joie ne réside pas en un quelconque assouvissement mais dans l’action, éclairée par la connaissance. Autrement dit, plus nous connaissons, mieux nous comprenons. Mieux nous comprenons, plus nous progressons. La pensée rend libre et puissant même au sein des carcans, et c’est elle qui fait croître la joie en nous. C’est en tout cas la réponse qu’il apportait à l’obscurantisme dont il était victime.

Henri Bergson aussi distingue joie et plaisir, mais se montre plus spinoziste que darwinien. A ses yeux, la joie est plus profonde, plus durable. Elle indiquerait un plein accord avec notre être, là où le plaisir se contente de « nous faire du bien ». Pour lui, la joie survient quand nous oeuvrons à la conscience de soi, à notre propre croissance, quand nous partageons, quand nous transmettons. Elle est d’ordre spirituel.

Enfin, plus proche de nous, en tout cas temporellement, Robert Misrahi déplore que notre époque se laisse dominer par l’insécurité, l’exaspération et la colère, cultivant même un certain goût pour le drame. Il conseille à chacun de se souvenir de son état d’homme libre et de privilégier la joie, y compris lors de situations tragiques. Car pour lui, il s’agirait de beaucoup plus qu’un état d’âme. Il décrit « un plaisir intégral du corps et de l’esprit, accompagné d’une adhésion à soi-même ».

La joie des enfants

Au fond on pourrait reconnaître là, ce que savent si bien ressentir les enfants. D’ailleurs, la joie est souvent associée à des souvenirs d’enfance.

Lorsque nous regardons vivre un bébé, nous le voyons alterner entre plusieurs mimiques marquant tour à tour de la crainte, du malaise et de la joie. Il bat des bras, babille et dès qu’il a quelques mois, il rit même aux éclats.

Deux ou trois ans plus tard, parce que les enfants sont ouverts à la joie, ils peuvent même « sauter de joie ».

Cette capacité à ressentir une émotion spontanée, à connaître cet état de joie, perdure, quelque part au fond de chacun d’entre nous mais parfois nous ne le savons pas, nous ne le savons plus.

L’enfance, quand tout va à peu près bien, a deux caractéristiques importantes qui sont intimement liée à la joie : la liberté et l’innocence. Par liberté, nous entendons celle de ressentir et surtout d’exprimer ouvertement nos émotions. En abordant la question de l’innocence, nous percevons déjà de quelle façon nous sommes exposés à la perte de notre capacité à ressentir ou reconnaître, la joie.

Joie vs jouissance

Si la psychanalyse ne s’est pas intéressée à la joie, elle s’est en revanche passionnée pour la jouissance. Or, paradoxalement, la question de la jouissance pourrait bien être une limite à la joie.

Explication : Au commencement était la pomme, Adam et Eve vivant dans un jardin de félicité et de joie. La bible décrit très bien la perte du sentiment de joie comme conséquence de la perte de l’innocence. C’est en prenant conscience de la sexualité, et donc de la jouissance, qu’Adam et Eve accèdent à la notion du bien et du mal. Et ce qui doit alors arriver arrive : la honte et la culpabilité viennent recouvrir la joie car la loi divine interdit la jouissance.

Discerner le bien du mal est certes fort utile pour vivre dans nos sociétés mais cela incite au jugement et à la culpabilité, les deux meilleurs ennemis de la joie.

En quelque sorte, nous pourrions dire qu’Adam et Eve ont rencontré le Sur-moi, celui qui par l’éducation nous éloigne de la liberté de vivre nos émotions et tout particulièrement la joie et son excitation.

Comment on perd la joie

Car c’est ainsi que nous perdons notre capacité à ressentir la joie. Nous sommes parfois « content » mais est-ce bien assez ? C’est l’apprentissage de la répression de nos émotions ou encore l’apprentissage des émotions souhaitées et encouragées qui nous prive de notre capacité à ressentir ou à comprendre nos sensations, nos émotions.

Des « arrêtez, vous faites trop de bruit » aux « ne pleure pas » ou encore « tu vas te taire, je t’interdis d’être en colère, et puis quoi encore, avec tout ce que je fais pour toi », les injonctions à ne pas exprimer nos ressentis jalonnent notre éducation. A force de les entendre, nous le savons bien, nous y répondons si bien que nous finissons par ne plus sentir ce que nous vivons.

Comment on la retrouve

Alors, comment retrouver nos sensations de joie, notre capacité à ressentir ? Dans une injonction paradoxale exemplaire, nous pourrions dire, qu’il nous faut abandonner nos résistances ! Pour le dire d’une autre façon, apprendre à accueillir nos sensations corporelles, ces manifestations de nos émotions, apprendre à s’autoriser à vivre la joie à chaque fois qu’elle survient. Accepter que la joie est une petite jouissance, et que nous ne serons pas chassé du paradis.

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