Vacances, j’oublie tout ?

Le Café Psy du 06.07.17

J’aurais pu intituler cette soirée « les vacances ou la vacance ? ». Comme j’aime bien la précision, voici les définitions de ces deux mots qui, du pluriel au singulier, changent de sens.

Les vacances sont une période pendant laquelle une personne cesse ses activités habituelles.

La vacance est soit l’état d’une charge vacante, soit un temps pendant lequel une fonction reste sans titulaire ou pendant lequel une autorité ne s’exerce plus.

Autrement dit, partir en « vacances » revient à s’emmener soi-même ailleurs – que ce soit géographiquement ou psychiquement.

Tandis que se mettre en « vacance » au singulier, ce serait plutôt se mettre dans la vacance de soi-même, s’extirper de soi – j’entends par là de son soi conscient et exigeant. C’est à dire se rendre vacant et échapper à notre propre autorité. Sommes-nous bien certains d’y parvenir lorsque nous sommes en vacances ?

On pourrait dire que les vacances sont gérées par notre mode action et la vacance par notre mode pensée. Ne dit-on pas « que fais-tu pour les vacances ? » alors que concernant la vacance… on ne dit rien, c’est une histoire intime.

Au fond, l’avantage de la vacance sur les vacances, c’est qu’en y réfléchissant bien, on peut en bénéficier toute l’année.

A condition de l’appréhender sereinement.

Éloge du vide

Car ce qui regroupe ces deux mots, c’est leur étymologie. Vacance, avec ou sans S, vient de vacuum, le vide. Se vider de ses problèmes, de ses obligations quotidiennes, du travail. Se changer les idées, le décor, le corps. C’est un peu cela, les vacances, et ça a l’air tout simple.

Sauf que le vide n’est jamais simple.

Le psychanalyste anglais Donald Winnicott écrit : « Pour comprendre le vide, ce n’est pas au traumatisme qu’il faut penser mais au fait que, là où quelque chose aurait pu être bénéfique, rien ne s’est produit. » Je n’irai pas plus dans le détail de l’idée du vide – j’y reviendrai peut-être dans un prochain Café Psy.

N’empêche, même sur un sujet en apparence léger, comme les vacances, c’est bien de cela qu’il s’agit. Le vide.

Quand nous étions petits, les « vacances » étaient également un temps de « vacance » au singulier. Hors de l’école, nous avions peu de préoccupations quotidiennes, d’autant plus que les parents étant souvent plus détendus, ils étaient souvent plus faciles à satisfaire. Les vacances étaient donc un temps de plus grande liberté et insouciance, un temps pour jouer, rencontrer, découvrir, imaginer, rêver. Autrement dit, un temps pour grandir.

De ce temps-là, nous gardons pour la plupart d’entre nous une certaine nostalgie. Ce qui n’est pas sans nous mettre une certaine pression sur la réussite de nos vacances d’adulte, puisque nous continuons d’en attendre, d’une certaine façon, les mêmes plaisirs. Sauf que nous ne sommes plus des enfants. Et qu’une fois adulte, la question du vide se pose différemment.

Lâcher le contrôle

En vacances, notre cerveau se met beaucoup plus facilement en mode dit « par défaut ». C’est à dire que l’absence de contraintes lui donne l’occasion de fonctionner hors contrôle, ce qui encourage la rêverie, le lâcher prise des pensées rationnelles et utilitaires. Cela peut être extrêmement agréable et riche, ou bien nous entraîner vers la mélancolie ou la rumination.

La rupture avec notre quotidien nous prive de cet anesthésique formidable que représentent le travail ou les habitudes. Car toutes ces obligations, dont nous nous plaignons à longueur d’année, nous évitent le contact avec nous-mêmes, voire la confrontation à nos angoisses. En nous ôtant cette protection, les vacances peuvent apparaître pour certains d’entre nous comme un peu inquiétantes.

Donc, nous savons de quoi nous nous débarrassons en vacances. La question, c’est par quoi le remplace-t-on ?

Désir et plaisir

Car, du coup, il faut l’occuper ce temps de vacance(s), qu’il nous angoisse ou non, d’ailleurs.

Ce qui nous ramène à Winnicott qui écrit aussi que « Le vide est une condition préalable et nécessaire au désir. » (citation extraites de La Crainte de l’effondrement)

Les vacances sont, ou devraient être, le temps du désir et du plaisir. Au cours de l’année, nous les fantasmons : une grande maison pleine d’amis, du temps en couple ou en famille, un beau voyage, la nature, la culture, etc.

Quantités de fantasmes innocents qui concernent aussi le corps : je vais faire du sport, manger mieux, dormir plus, bronzer.

Autrement dit, nous avons des objectifs. Voilà presque une contradiction avec l’idée même de vacances ! Et c’est là que, avec tous ces beaux projets et ces désirs, commence… la pression. Après le principe de plaisir qui guidait nos envies, le principe de réalité nous rappelle à l’ordre.

Selon la nature de chacun, la préparation des vacances restera source de plaisir ou suscitera de nouvelles contraintes. Bien souvent, notre surmoi prend le relais. Il faut, il ne faut pas… trouver le bon hôtel, s’assurer de la météo, contenter Tante Agathe qui nous réclame et mon conjoint qui la déteste, glisser quelques jours chez mes parents dans ces deux semaines déjà trop courtes, assurer les activités ou la sécurité des petits, entrer tout ça dans le budget, etc.

Et ça continue lorsque nous y sommes, car il « faut » passer de « bonnes vacances » ! Il faut répondre à nos propres objectifs et à la pression sociale – En effet, qui avoue facilement qu’il a passé de « mauvaises vacances » ?

Au point que l’on en oublie… la vacance, qui est finalement la source du véritable repos.

Alors comment, vous, abordez-vous cette question ? Que faites vous de vos congés ? Sont-ils un lieu de plaisir ou de peur ? Qu’est-ce que chacun d’entre vous attend de cette période estivale durant laquelle, pour la plupart, vous aurez un temps de vacance(s), que je vous laisse le soin d’orthographier comme il vous plaît.

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