Une psychothérapie, pourquoi, comment ? – Introduction

Le Café Psy du 08.10.15

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« Les humains tiennent plus à leur souffrance qu’à leur bonheur », écrit le psychanalyste François Roustang. C’est pourquoi la décision d’entreprendre une thérapie se révèle, dans la plupart des cas, très difficile. Et celle de la poursuivre, encore plus aléatoire. Tous les psys ont vu leur cabinet traversé par des patients qui disparaissent soudain après quelques séances.

Car qu’est-ce qu’une analyse, au fond, sinon l’exploration de nos parties troubles que l’on s’est évertué toute sa vie à dissimuler à soi-même et aux autres ?

Y aller, y rester

C’est pourquoi, dans l’immense majorité des cas, on entre en thérapie pour des raisons qui n’ont que peu à voir avec celles pour lesquelles on y restera. Si l’on y reste !

Pourquoi y va-t-on ?

Pour traiter un symptôme – dépression, angoisse, douleur, phobie…

Ou parce que l’on a besoin d’un soutien lors d’une période difficile comme un deuil, un divorce ou toute autre accident de la vie.

Pourquoi on y reste ?

Pour aller à la découverte de soi.

Pour se libérer des répétitions de nos scénarios d’enfance.

Pour accéder à plus de sécurité intérieure et à plus de liberté intérieure.

Pour se déployer dans tous les domaines de notre vie, selon nos propres choix, en fonction de ce que l’on est.

Ca marche !

Quels sont donc les ressorts de ce travail, basé essentiellement sur la parole ?

Pour ceux qui ne l’ont pas lu, je vais vous résumer le postulat de base d’un roman d’Irvin Yalom : « Mensonges sur le divan ».

Un homme quitte sa femme, lassé d’être dominé par elle. Celle-ci, convaincue que c’est le thérapeute de son mari qui est à l’origine de cette rupture, décide de se venger. Elle se fait alors passer pour une patiente dans le but d’amener le psy à coucher avec elle puis de le dénoncer au conseil de l’ordre. Semaine après semaine, dans l’intimité du cabinet, elle s’invente une vie. Mais quid de sa vie intérieure ? Bien sûr, malgré elle, cette thérapie biaisée finit par faire effet.

Pourquoi cela marche-t-il au delà de la volonté consciente du patient ?

Au coeur du dispositif se trouve la relation thérapeutique. Elle se construit dès les premières minutes de la première séance, et traverse ensuite plusieurs phases.

Lorsqu’un patient arrive en thérapie, le plus souvent, il est en situation de crise. Crise relationnelle avec l’entourage, crise organique (maladie, ou accident), ou crise intra psychique, comme une dépression. Dans tous les cas, il y a une désorganisation de la psyché et un brouillage de l’image de soi.

Dans cette situation, la demande inconsciente du patient sera bien souvent, non pas de changer, mais de revenir à l’équilibre antérieur. Ce qu’il recherche auprès du thérapeute, c’est une confirmation de lui-même. D’une certaine façon, la même confirmation qu’il trouvait dans le regard de sa mère au cours des premiers mois de sa vie.

Le transfert

Pour le thérapeute, tout le jeu consistera à apporter dans un premier temps cette validation. Par son empathie et sa bienveillance, il tient lieu de substitut d’images parentales positives. Ainsi s’installe ce que l’on appelle le transfert, c’est à dire que la plupart des sentiments que le patient éprouvera envers son psy seront en fait la réminiscence de relations passées, réelles ou fantasmées. Comme si le thérapeute était un mannequin que l’on habillerait de vêtements pris à d’autres. Le transfert permet donc de rejouer petit à petit tous ces affects de l’enfance, afin de leur trouver une issue libératrice.

Ainsi, au fil des séances, nous nous sentons comme amoureux de notre psy. Plus tard, il arrive que nous éprouvions ce que l’on nomme le transfert négatif : le psy devient soudain un être tyrannique, qui nous oblige à venir, nous coûte cher, nous contraint, etc. Nous traversons ainsi des colères et des haines que nous avons refoulées dans l’enfance de peur de perdre l’amour de nos parents. Au sein du cabinet – et le mot « sein » prend tout son sens-, au sein du cabinet, donc, nous pouvons exprimer ces affects culpabilisants, et le thérapeute reste là, bienveillant, accueillant. C’est entre autres cela, changer l’issue du scénario.

La relation thérapeuthique

Comme il ne s’agit pas, au Café Psy, d’être exhaustif, et que sur le sujet de la relation thérapeutique, il y a à peu près autant de convictions que de thérapeutes, je poursuivrai en développant plus spécifiquement mon propre cadre de référence, très inspiré d’Irvin Yalom.

« C’est la relation qui soigne » professe Yalom. Par cela, il entend l’établissement d’un lien d’être humain à être humain et non pas uniquement de thérapeute à patient.

Bien sûr, Yalom ne conteste pas l’existence du transfert, d’autant plus que la relation thérapeutique n’a pas d’autre enjeu que celui de relier nos affects d’aujourd’hui à ceux d’hier. Travailler la relation thérapeutique dans ses similitudes avec les relations passées permet en effet d’éclairer ces dernières et de faire prendre conscience de certaines défenses.

Mais le débat est vieux comme la psychanalyse : prise de conscience signifie-t-elle changement ? Rien ne le prouve. Aussi, pour Yalom, la recherche d’insight et la réminiscence du passé mobilisent thérapeute et patient autour d’un projet commun, certes passionnant, mais dont la principale fonction reste de permettre la maturation du lien qui les unit. C’est ce lien qui est le véritable agent du changement. L’éprouvé de cette intimité s’inscrit dans le monde intérieur du patient de façon définitive et lui permet de réparer un certain nombre de blessures. Car au thérapeute, contrairement à nos amis, nous avons montré nos parts monstrueuses, nos hontes, nos vanités. Et pourtant, il continue à nous accepter pleinement, à s’affliger de nos peines et à se réjouir de nos succès. C’est cette acceptation inconditionnelle qui constitue une expérience structurante.

Le cadre

Par ailleurs, cette relation s’inscrit dans un cadre. Elle est structurée par le temps de la séance, son coût, et un certain nombre de règles comme la non intervention du thérapeute dans la vie réelle du patient, l’absence de relation autre que thérapeutique, la stricte confidentialité, le paiement des séances manquées, etc. C’est ce cadre qui crée de la sécurité. Le patient peut, par exemple, se laisser aller à ses émotions les plus paniquantes, car il sait que la séance a une fin. On voit d’ailleurs souvent des patients lâcher une petite bombe dans les cinq dernières minutes !

Il peut également exprimer tous ces affects, notamment amoureux, en sachant que l’interdit sexuel le protège.

Enfin, parce que le thérapeute ne donne pas de conseils, pas de solution, parce qu’il n’intervient pas dans la vie réelle, parce qu’il ne répond pas à toutes les questions, il fait tomber l’illusion d’un sauveur ultime, et nous amène, parfois à coup de frustrations, à prendre la responsabilité de nos choix et de notre vie. Et ainsi à acquérir plus de liberté.

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