Le couple à l’épreuve du temps

Le Café Psy du 04.10.18

On pourrait voir le couple comme une équation mathématique paradoxale qui va du 1+1=1, soit toi et moi ne faisons qu’un, au 1+1=3, soit toi et moi égale toi, moi, notre couple. Il y a bien trois entités dans le couple qui s’installe dans la durée. Et quand ce passage ne s’opère pas, nous aboutissons à la plus dangereuse des opérations : 1+1=2.

La rencontre : un choix d’inconscient à inconscient

Qu’il s’agisse ou non d’un coup de foudre, que se passe-t-il au moment de la rencontre ? Un désir surgit, un choix s’impose à la conscience. Avec plus ou moins de soudaineté, nous faisons face à une évidence : c’est lui, c’est elle. La nature du coup de foudre est en fait très archaïque, c’est à dire enracinée dans nos premières expériences de nourrissons. Nous avons le sentiment qu’il arrive quelque chose que nous avons toujours su ou attendu. Et en effet, nous le savons depuis toujours, puisque nous l’avons déjà vécu… avec notre mère. Cette femme ou cet homme a des caractéristiques qui nous ramènent plus ou moins consciemment à notre premier objet d’amour – parfois par des chemins très détournés et inconscients. Il n’y a alors plus de « je« . Seul existe le « nous« , une fusion totale dans laquelle les partenaires viennent se dissoudre, même s’ils sont par ailleurs des êtres très autonomes. Comme lorsque, dans nos premières semaines de vie, nous ignorions que nous existions en dehors de notre mère.

La passion amoureuse

Nous nous mettons alors à alimenter cette illusion de toutes les manières possibles. Nous recréons l’autre sans cesse à partir de nos propres besoins. Et, en face, l’autre vient là où il est attendu, là où il est déjà créé. Nous cherchons nos ressemblances, nous en produisons. Et nous évitons de regarder les dissemblances. Dans cette phase de passion, l’autre est parfait, idéalisé, le couple que l’on forme est merveilleux. Mais en réalité, nous projetons sur l’autre ce que nous avons de meilleur en nous et nous ignorons délibérément – mais inconsciemment – tout ce qui pourrait venir entacher ce nouveau champ des possibles enthousiasmant.

Le choix du partenaire

Mais si nous construisons presque de toutes pièces les perfections de l’autre, alors pourquoi l’avons-nous spécifiquement choisi(e) lui ou elle plutôt qu’un(e) autre ?
Nous pouvons relever trois niveaux de choix qui agissent simultanément :
-Une demande ou un projet de couple conscient et exprimé.

-Un besoin conscient mais non exprimé.

-Une demande inconsciente en lien avec nos vécus de la petite enfance.

Le projet conscient et exprimé

La plupart du temps, les projets conscients de chacun se correspondent bien, autrement dit nous sommes pareils ou nous sommes complémentaires. Nous voulons une famille sans conflit. Nous voulons vivre libre. Nous voulons réussir socialement, etc.

Ce projet exprimé se construit le plus souvent en identification ou en opposition au modèle parental.

Le besoin conscient et non dit

Chacun a une idée de ce qu’il recherche dans le couple, sans forcément la partager avec l’autre. Par exemple, « je cherche un homme fort qui me protège », « Je cherche une femme douce pour me sentir fort », ou « Je cherche un partenaire brillant pour me valoriser socialement ».

La demande inconsciente

C’est là que le bât peut blesser car les attentes conscientes ne sont pas toujours en accord avec ce qui fera le réel fondement du couple au sortir de la passion des débuts : le contrat implicite, c’est à dire le besoin inconscient, et le rôle que chacun demande inconsciemment à l’autre d’assumer.

Par exemple, l’un demande l’amour inconditionnel dont il a manqué enfant, l’autre a fait de ses manques un besoin de prendre son partenaire en charge. Ou encore le besoin d’être protégé de soi-même. Par exemple, je choisis un partenaire organisé et rigide pour me protéger de mes coups de folie, que je ressens inconsciemment comme dangereux. De son côté, l’autre vit à travers moi les coups de folie qu’il ne s’autorise pas.

Ce qui crée la force de l’attraction mutuelle c’est donc essentiellement une problématique inconsciente commune – le besoin d’amour, la peur de la folie, etc – avec des manières différentes et complémentaires d’y réagir.

Sortir de la fusion

La complémentarité des névroses est certainement un des éléments qui président à la formation du couple. Elle est aussi celui qui risque de le faire vaciller lorsque nous sortons de la fusion. La passion amoureuse dure de quelques mois à trois ans, rarement plus. Le destin de l’être humain est de tendre vers la croissance et le développement. Pour cela, chacun doit récupérer ce qu’il a mis de lui dans l’autre. Et la part d’ombre de notre conjoint nous apparaît. La nôtre aussi, d’ailleurs, car la fusion nous protégeait de nos propres aspects négatifs, et on ne s’était jamais senti aussi bon. On pourrait dire que là, ça passe ou ça casse. Car la violence de la première crise est à la hauteur de l’émerveillement des premiers mois. On peut en vouloir terriblement à l’autre de ne pas être celui que l’on croyait, ou plutôt, que l’on voulait croire. La relation fusionnelle portait tellement le meilleur de nous même que lorsqu’elle se transforme et qu’il nous faut retrouver nos aspects négatifs, nous pouvons le vivre comme une trahison. Au fond, ce que nous demandions à notre partenaire, c’était de nous libérer de nos conflits et de nos angoisses antérieurs, comme un « délivre-moi du mal! ». Mais ce contrat-là ne peut pas être respecté.

Transformer la relation

Transformer la relation fusionnelle en relation à long terme dépend donc de la capacité de deuil de chacun. Il faut en effet faire le deuil de l’autre idéalisé et accueillir sa réalité.

Cette étape était nécessaire à la constitution du couple. Elle a scellé une union. Mais un couple n’est ni une entité indissociable ni la juxtaposition de deux individus distincts qui mettent des choses en commun. Chacun va devenir un « je » différent, après être passé par ce « nous » fusionnel. Ce sont de nouveaux individus qui émergent à partir de la relation de couple. Au stade fusionnel, chacun des partenaires demandait implicitement à l’autre d’être en quelque sorte son thérapeute. A présent, l’enjeu est que ce soit le couple en lui-même qui devienne le thérapeute de chacun des partenaires.

Il est primordial de comprendre et d’accepter que l’intensité des sentiments du début ne pouvait pas durer. On a parfois moins de choses à se dire, on fait peut-être moins l’amour ou avec moins d’émotion et même de liberté. Mais en contrepartie, les deux partenaires se rencontrent vraiment pour ce qu’ils sont. Moins pris par leurs émotions, ils peuvent avancer ensemble et apprendre des choses l’un de l’autre.

Durer

Aujourd’hui, le lien conjugal ne fonde plus nécessairement la famille. Il repose sur l’amour et sur la volonté d’être un couple. Autrement dit, le couple n’existe plus que par et pour lui-même. On lui attribue la mission impossible de rendre heureux au quotidien chacun de ses deux membres. A la moindre crise, il peut du coup se voir remis en question. D’autant plus que le lien conjugal est, à tort, le seul que l’on a le sentiment de ne pas pouvoir modifier.

Pourtant, les individus sont en perpétuelle évolution. Or chacun n’évolue pas forcément au même rythme et dans la même direction. Les besoins inconscients changent et le contrat implicite devient caduque. C’est généralement cela qui provoque les grosses crises d’un couple. Il faut réinterroger les besoins, les siens comme ceux de l’autre, écouter, travailler la relation et écrire un nouveau contrat. Cette renégociation peut être rendue consciente à l’occasion d’une thérapie individuelle ou de couple, mais le plus souvent, elle se fait au delà de la conscience des partenaires. Ou elle ne se fait pas et la crise mène à la rupture.

Un tandem qui dure transforme et travaille sans cesse les liens. C’est ainsi qu’il grandit chaque jour. Comme un bébé fusionnel qui devient enfant, adolescent puis adulte : il transforme sa relation avec sa mère pour devenir de plus en plus autonome tout en continuant à être relié.

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