De l’identification à l’empathie – Introduction

Le Café Psy du 03.12.2015

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Dans le langage commun, l’identification et l’empathie sont souvent amalgamées. En psychanalyse, nous distinguons les deux.

Dans l’identification, nous trouvons la possibilité d’un double mouvement :

S’Identifier soi à un autre, se croire pareil à lui.

Ou identifier l’autre à soi, le croire pareil à nous.

L’Empathie, elle, revient à comprendre ce que l’autre ressent sans se mettre à sa place, c’est à dire, sans identification.

On pourrait dire aussi que l’identification est un mécanisme de défense qui, face à une situation difficile, permet de transformer l’angoisse non identifiée, en peur identifiée. Nous y reviendrons.

L’Empathie, quant à elle, n’est pas une réaction de défense. Elle se manifeste lorsqu’il n’y a pas d’angoisse à gérer. L’empathie est un mouvement vers l’autre dans sa différence, en lien avec le principe de réalité. La condition à l’empathie, est donc une certaine distance.

Pour être plus synthétique, nous pourrions dire que l’identification parle de soi avec soi, et l’empathie de soi avec l’autre.

L’identification

Pour comprendre ce qu’est l’identification, il nous faut remonter à la petite enfance. Il s’agit paradoxalement d’un processus de découverte de soi.

Dans les premières semaines de vie, le nourrisson est en fusion avec sa mère. Pour lui, aucune différence entre ce qui est lui et ce qui n’est pas lui. Pour sortir de cette fusion, il va commencer par s’identifier à sa mère. C’est la première étape vers la séparation. Je ne suis pas elle. Je suis comme elle. Ce premier pas est indispensable pour découvrir qui l’on est, ce qui se fera ensuite à coup d’identifications successives et diversifiées avant de devenir un tout, spécifique et singulier.

Certaines mères se révèlent trop fusionnelles et entravent ce processus naturel bien que douloureux pour l’enfant. Insuffisamment séparé, il grandit sans savoir tout à fait qui il est. Devenu adulte, face à des évènement ou des interactions difficiles, il choisira parfois ce mode de défense là, l’identification : se référer à ce que vivent les autres, se sentir lui-même à travers l’autre, lui permettra de gérer son angoisse.

En fait, à trop s’identifier, on se coupe de l’autre dans sa réalité et dans sa différence. Ce n’est qu’en sortant de l’identification et des projections que l’on peut accéder à un lien véritable.

L’empathie

L’empathie naît dans la séparation. C’est donc vers quatre ou cinq ans qu’un enfant peut faire preuve d’empathie. Elle est le produit de notre mémoire, du souvenir de nos expériences, de notre capacité de lien. Elle peut même s’accroître avec l’âge. Car ce qui est aux commandes de l’empathie, c’est la pensée. Alors que dans l’identification, ce sont les émotions qui mènent la danse.

Autrement dit, pour reprendre les termes de l’analyse transactionnelle, l’empathie est un état adulte, l’identification, une réaction de l’enfant en nous.

On peut voir, par exemple, lorsqu’un couple se sépare, des réactions très différentes parmi nos amis. Les uns vont nous écouter, s’attrister pour nous, nous inviter à dîner. Ils sont dans l’empathie. Ils nous aident. Les autres vont prendre parti, condamner le conjoint, s’investir trop ou pas assez. On peut faire l’hypothèse qu’ils sont inquiets pour leur propre couple et que notre séparation, en effet miroir, génère de l’angoisse. S’identifier au point de penser à notre place avec des phrases du genre « il ou elle n’était pas fait pour toi » leur permet de sortir de l’angoisse en cherchant des raisons ou des solutions, qui seraient en fait les leurs.

Selon les circonstances, l’identification peut devenir source de plus ou moins de souffrance. Concernant les attentats, nous avons beaucoup entendu cette phrase : « Cela aurait pu être moi. » Psychiquement, l’inconscient dit en fait : « C’est moi ». Autrement dit, je ne suis plus moi, je ne peux plus prendre de distance par rapport à l’évènement, je ne pense plus l’évènement, je suis engloutie par la peur due au phénomène d’identification. Néanmoins, parce qu’elle a un objet, cette peur reste plus « confortable » que l’angoisse insupportable, et parfois inconsciente, générée par la brutalité et l’ampleur de l’évènement.

La réalité, c’est que ce n’est pas moi, ni un de mes proches. La probabilité raisonnable qu’il m’arrive la même chose est infime, comparé à celle d’être renversé par une voiture, par exemple. C’est à partir de cette conscience là, que je peux comprendre et penser ce que ressentent les victimes et éventuellement apporter une aide réelle.

l’empathie tient compte du principe de réalité. On ne se laisse pas engloutir dans l’émotion de l’autre. Elle permet de sortir de l’impuissance, car elle initie l’action.

Bien sûr, nous sommes tous capables tour à tour d’identification ou d’empathie. Tout dépend de la situation à laquelle nous sommes confrontés et de sa résonance avec notre histoire.

Trop d’angoisse indéfinie peut nous pousser vers l’identification.

C’est l’un des immenses apports possibles d’une thérapie : identifier ses angoisses pour ne plus s’en échapper en s’identifiant à l’autre. Et du coup, accéder à l’altérité de l’autre. en empathie avec lui.

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