Ce que mon métier dit de moi

Le Café Psy du 01.02.18

Le mot métier vient du latin « ministerium » qui signifie, à l’origine, « besoin » avant de s’étendre à « service » et « fonction ».

Profession, pour sa part vient de « professio » qui veut dire « déclaration publique ». Le mot latin reste utilisé aujourd’hui dans le langage juridique avec « professio juris », « choix de loi ».

Quant au mot « travail », il vient aussi du latin, « tripalium », le nom d’un instrument de torture romain.

Symboliquement, nous avons donc, avec le mot « métier », trois notions : le besoin, intime, personnel, qui renvoie à une nécessité profonde. Le service, qui nous amène au collectif – on sert l’autre – et à l’idée d’utilité. Et la fonction, qui évoque l’identité. « Profession » ajoute le concept de choix, ainsi que celui de public, officiel. Enfin, « travail » évoque la chose douloureuse et subie.

Et en effet, en y réfléchissant, il y a un peu de tout cela dans notre représentation de la vie professionnelle.

Une question de choix

Le choix d’une profession, quelque soit l’âge auquel il se fait, n’est jamais dû au hasard.

Notre métier, que nous l’aimions ou non, est ce qui, dans la plupart des cas, occupe le plus grand nombre d’heures de notre vie d’adulte actif. Beaucoup plus d’heures que nos loisirs ou notre vie sentimentale ou familiale. Sans parler du temps que nous passons, dans certains cas, à y penser.

Quels sont donc les moteurs conscients et inconscients qui président à des choix professionnels qui nous engageront à ce point ?

Je parle bien de choix car même lorsque l’on n’a pas le sentiment d’avoir choisi, la réalité, c’est que l’on a choisi. A un moment ou à un autre, il y avait d’autres options.

Parmi les moteurs de ces choix, donc, certains sont liés à notre histoire individuelle, d’autres à notre histoire familiale, transgénérationnelle.

Des valeurs familiales

Concernant notre histoire individuelle, nos aspirations professionnelles s’originent d’abord, dès les premières années de notre vie, dans le rapport au travail de nos parents. Quelle importance accordent-ils à leur propre métier, quelles valeurs défendent-ils ? On ne dira jamais assez que l’éducation, c’est l’exemplarité. C’est à dire que l’on transmet beaucoup plus par ce que l’on fait que par ce que l’on dit, même si tout compte. Le travail est-il vécu comme un épanouissement, une source de satisfaction ou bien comme une nécéssité économique et une contrainte ? Nos parents avaient-ils leur propre entreprise ? Étaient-ils soumis à des autorités qu’ils dénigraient ou respectaient ? Comment l’investissement de l’un dans son job était-il perçu par l’autre ? Quels métiers, quelles activités étaient valorisés ?

Et cela se poursuit avec l’importance donnée à l’école, celle accordée à certaines matières plutôt qu’à d’autres, celle donnée aux devoirs, aux études futures.

Nous sommes ici dans une première approche préconsciente de la vie professionnelle. Préconsciente car les faits sont connus, conscients donc. Mais la position de reproduction ou d’opposition dans laquelle nous nous développerons nous échappe en partie.

Se situer face aux parents

La place professionnelle que va « se choisir » l’enfant dépendra, à la fois de celle de ses parents, et de la capacité ou non qu’il aura à se situer par rapport à cette place : vouloir être « plus que son parent » ; se construire une image dévalorisée pour ne pas le dépasser ; faire mieux que son parent dans le chemin tracé ou imposé par lui.

La peur de dépasser le parent est certainement un frein, tout comme la certitude de ne pas pouvoir le dépasser en est un autre. Du point de vue de l’enfant qui reste toujours en nous, grandir, réussir, peut être vécu inconsciemment comme une menace à l’encontre des parents. Le psychologue Roger Perron écrit que « devenir plus grand que les parents, c’est les faire plus petits, les réduire, jusqu’à cette réduction radicale que sera leur mort. »

Fuir, reproduire ou réparer ?

Chacune de nos expériences d’enfant s’ancre en nous et nous modifie. Les plus intenses au niveau émotionnel nous pousseront, à notre insu, à les reproduire, à les fuir ou à les réparer symboliquement. Cela est vrai dans tous les domaines de notre vie, bien sûr, mais les choix professionnels en sont un témoignage particulièrement porteur de sens. Quelques exemples pour éclairer cela : un frère ou une soeur délinquant peut nous amener vers les métiers de la justice ou du social. Des failles narcissiques nous conduiront peut-être à une carrière d’acteur à la fois pour son potentiel de reconnaissance publique mais aussi pour nous donner à travers des personnages, une identité que nous avons du mal à cerner pour nous-mêmes. Certaines valeurs familiales ou certaines identifications nous pousseront à poursuivre ou reproduire le parcours de l’un de nos parents, etc.

Une histoire ancestrale

C’est dans le même esprit que nous pouvons regarder l’influence transgénérationnelle.

La plupart de nos aïeux étaient soient nobles, intellectuels ou bourgeois, soit artisans, commerçants, paysans ou domestiques. La révolution industrielle puis l’ascenseur social des Trente glorieuses nous ont fait oublier ces fondements, séculaires dans bien des familles. Il en reste pourtant quelque chose enfoui dans l’inconscient. Qu’en est-il des loyautés familiales ? Que devons-nous réparer de notre arbre généalogique ? Une ruine ? Un exil ? Une injustice ? Une honte ?

Certains auront par exemple, pour mission inconsciente, de soigner, d’autres d’être soignés – soigner qui dans l’arbre ? Etre soigné à la place de qui ? Un lourd secret de famille peut conduire au journalisme dont la fonction est de témoigner, de révéler. Une famine, aux métiers de bouche.

On ne finirait plus de donner des exemples tant chaque métier est susceptible de possèder en lui une portée symbolique qui trouve son origine dans l’histoire transgénérationnelle.

Notre métier est une part importante de notre identité. S’interroger sur les origines de nos choix nous permet d’en saisir le sens symbolique. Et je finirai sur cette citation de Blaise Pascal, écrite en 1670 : « La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier. »

Ce contenu a été publié dans Introductions, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *