« L’angoisse de la ‘bonne mère’, ou la quête d’une impossible perfection ? – Verbatim

Le Café Psy du 09.01.14

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Compte tenu du sujet, il nous a semblé important de préciser par un « H » lorsque c’est un homme qui prend la parole.

Qu’est-ce qu’une « bonne mère » ?

« Le premier critère pour être une bonne mère, c’est de savoir ce qui est bon pour l’enfant. »

« J’ai 46 ans, je ne suis pas mère. J’ai avorté trois fois. Je me suis dit que j’aurais été une mauvaise mère, je ne m’en suis sentie capable qu’à 40 ans, trop tard. »

H : « On parle toujours de la mère nourricière. Dans les années 60, les médecins professaient qu’il ne fallait pas trop nourrir les bébés. Ma mère m’a raconté que, petit, je hurlais tout le temps. Je crois que j’étais simplement affamé. Historiquement, nous sommes la seule génération d’enfants affamés. Ma mère est-elle coupable ? Non. Elle était pédiatre, elle s’est soumise aux injonctions de la médecine. »

H : « Un jour où j’étais en colère, j’ai dit à la mère de mes enfants qu’elle était une mauvaise mère. Je savais que c’est ce qui lui ferait le plus mal. Mais je voulais atteindre la femme, pas la mère. »

« J’ai fait deux tranches d’analyse : une en tant que fille, l’autre en tant que mère. Moi allant mieux, ma fille va mieux »

« le simple fait de se poser la question d’être une bonne mère est angoissant »

Le Café Psy : « On se juge soi-même à l’aune de la mère qu’on a intégrée, fantasmée, imaginée, et qui vient de ce qu’a été notre propre mère pour nous. »

A mère parfaite, enfant parfait ?

H : « Ma mère m’a imposé douze heures de cours particuliers par semaine parce qu’elle voulait un enfant parfait. Du point de vue social, c’est considéré comme bien, mais ça m’a pourri mon enfance ! »

« J’ai adopté ma fille. L’idée de perfection a mûri a longtemps : trois ans et demi, c’est une longue grossesse. J’avais peur d’avoir un enfant moche, pas intelligent, peur que ce soit un garçon alors que je voulais une fille, etc. En fait, comme les mères biologiques. Ma propre mère voulait avoir l’air parfaite. Mais au fond, la mère parfaite, c’est surtout la mère de l’enfant parfait. »

Le Café Psy : « Il faut questionner la notion de responsabilité au regard de la toute puissance. Est-ce qu’être une bonne mère, c’est tout faire toute seule ? Il y a aussi l’école, les grands parents… Et surtout, les enfants eux-mêmes sont aussi responsables de ce qu’ils sont. Rien n’empêche de vivre la pression en se remémorant de temps en temps les paroles de Sartre : « L’important n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu’on a fait de nous. »

Transmettre

H : « Etre une bonne mère est très différent d’être un bon père. L’important, c’est ce que la mère transmet. La transmssion passe beaucoup plus par la mère. »

« La seule façon de ne pas transmettre, c’est de ne pas avoir d’enfant. »

« La perfection est une quête absurde. Je reproduis ce que faisait ma mère, et en même temps, je désire ne pas le faire. J’oscille entre les deux, et ma mère ressurgit en permanence. A son époque, 1914, les enfant n’étaient pas des personnes. Moi-même, je n’étais pas planifiée. Les relations se limitaient à « mange », « prends un bain », « va te coucher ». Et donc, j’ai une double angoisse : celle de la transmission et celle de vivre la même chose que ma mère. »

Notre mère est aussi un être humain

« Un matin, alors que je devais partir travailler, mon chat fait pipi sur la couette. J’étais déjà en retard. Furieuse, je prends la couette pour la déposer au pressing. Dehors, il y a une tempête, il pleut, j’arrive au pressing de très mauvaise humeur. Et là… fermé ! J’ai explosé en pleurs ! D’un seul coup, j’ai revu ma mère qui explosait de la même façon à la moindre contrariété. Je me suis dit « Finalement, il y a une part d’elle en moi ». Ca m’a d’abord agacée, mais je me suis mise à éprouver de l’indulgence pour elle. J’en ai eu soudain une autre vision : elle était juste débordée de boulot et fatiguée. »« Aujourd’hui ma mère est très âgée. C’est un dictateur vieillissant. Je peux discuter avec elle et, aujourd’hui, je comprends la fille qu’elle a été. Ma mère est née fille alors qu’on attendait un garçon et elle l’a payé très cher. »

H : « En tant qu’aîné, découvrir que ma mère avait fait une fausse couche avant ma naissance a remis en question l’évidence que c’est moi que ma mère attendait comme aîné. Cela a bouleversé la représentation mentale, interne, que j’avais de ma mère. »

« Il faut renoncer à la toute puissance réciproque. »

Pression sociale

« Je ne suis pas mère. J’ai eu envie de le devenir mais la pression trop forte m’a fait hésiter parce qu’il y a une exigence de normalité. »

H « En tant que père je subis moins de pression sociale que les mères. Etre père constitue une pression qui vient de moi-même et pas de l’extérieur. »

La culpabilité

« Je lutte contre l’idée de me sentir coupable parce que, de toutes façons, je ne pourrai jamais « faire tout bien ». Tout le monde fait mal ».

« La garantie de la culpabilité c’est le sacrifice. »

« Je ne suis ni une bonne ni une mauvaise mère. Je fais avec les bagages que j’ai. Je ne me sens pas coupable. »

H : « Pour qu’il y ait culpabilité, il faut qu’il y ait prise de conscience. Il faut une interrogation. Si il n’y pas de questionnement, c’est qu’il n’y a pas de conscience. »

Le Café Psy : « Historiquement, le rapport mère enfant a évolué. Beaucoup d’enfants mourraient. La contraception n’existait pas. La bourgeoisie mettait les petits en nourrice, l’investissement affectif était différent. Aujourd’hui, l’enfant est devenu un choix. C’est avec le surinvestissement que naît la culpabilité. »

Les générations

« Dans les générations précédentes, les mères n’avaient pas de culpabilité par rapport à leurs enfants ».

Le Café Psy : «Autrefois, c’est vrai, le bébé était considéré comme un tube digestif, il grandissait tel une plante verte qu’il faut arroser régulièrement, sans qu’on se préoccupe de ses affects. Mais on oublie que les enfants, eux aussi, ont du mal à considérer leur mère comme une personne à part entière. »

Sacrifice

« Ce que ma mère brandissait, c’était le sacrifice. Elle a eu 5 enfants, elle a fait le maximum, de son point de vue, pour être une bonne mère, mais l’idée même de sacrifice est un poids pour les enfants. »

« Le sacrifice, ça peut être trois minutes par jour. L’important ce n’est pas le temps passé mais l’investissement et la projection que l’on met sur l’enfant. »

« On oublie trop facilement que la mère qui se sacrifie a aussi des bénéfices secondaires.»

« Je refuse le mot sacrifice, et je refuse que, parce qu’il y a choix, il y ait pression. J’assume. »

Le Café Psy : « Quoi que fassent les mères, ce ne sera jamais parfait, donc l’enjeu se situe plutôt autour du questionnement : qu’est-ce que je fais pour être une bonne mère ? Or rien n’est garanti dans ce domaine, même, voire surtout, quand on se sacrifie. »

Devenir mère

« Le sentiment d’être mère est arrivé en entendant les battements du coeur quand j’étais enceinte. J’ai entendu la vie. Les neuf mois, je les ai vécus toute seule. L’accouchement s’est néanmoins très bien passé. J’étais fière de ce que j’avais fait »

H : « Le soir où ma femme est rentrée de la maternité avec notre fille, le bébé s’est réveillé dans la nuit. Je me suis levé et comme elle n’arrivait pas à se rendormir, je l’ai prise sur moi. J’ai passé toute la nuit comme ça, allongé sur le dos, sur le plancher avec ma fille sur la poitrine, peau à peau. C’est là que je suis devenu père. Les femmes ont sans doute un instinct maternel lié à la grossesse, mais pour moi, dès ce premier contact, un véritable instinct « parental » s’est éveillé. »

« L’angoisse de la bonne mère, je l’ai eue pendant la grossesse, pas après. Surtout quand j’ai su que ce serait un garçon : j’ai pensé que je ne saurais jamais m’en occuper. Aujourd’hui, il a 28 ans, il est super ! »

« Mes jumeaux étaient en couveuse. Je me suis sentie mère quand ils sont rentrés à la maison. J’ai enfin pu les toucher et les regarder avec un regard de maman. »

« Pour ma première grossesse, j’ai été alitée. Il fallait que je garde l’enfant en moi. J’ai eu le sentiment qu’avant même la naissance, je n’étais pas capable d’assurer ! Mais après l’accouchement, j’ai été dans l’action, l’angoisse est passée, j’ai fait la paix avec moi-même. »

« Dès sa naissance à la clinique, mon bébé a été emmailloté. En fait, on ne voyait que des bouts de bébé qui dépassaient ! Impossible de le toucher. A la sortie de la maternité, on aurait pu m’en donner un autre, je ne l’aurais pas reconnu. »

« A l’hôpital, j’avais tellement de lait que j’en donnais pour les autres enfants, mais quand il s’agissait de nourrir le mien, je n’avais plus de montée de lait ! D’où une grande angoisse. Mais une angoisse d’être mère, tout simplement, pas d’être une bonne ou une mauvaise mère. »

« L’angoisse est liée au fait de devenir responsable de quelqu’un d’autre que soi-même. »

« En mettant un enfant au monde, on fait un choix. Enfanter, c’est beau. Depuis le début, je n’entends que des mots tristes, mais je trouve qu’on oublie le simple bonheur d’être mère. »

« Il faut à la fois une part d’inconscience et un désir très fort pour être mère. »

Le Café Psy : « Etre mère est différent d’être maman. D’un côté la responsabilité parentale, de l’autre, la dimension affective. Aucune petite fille ne se rêve mère, mais beaucoup se rêvent maman. Et généralement maman d’un enfant idéal. L’essentiel est de savoir faire le deuil de cette relation parfaite, de l’enfant fantasmé, pour se « contenter » de ce qui est là. »

Et le père ?

H : « Etre père, pour moi, c’est aller sur le territoire de la mère que j’ai investi naturellement. »

H : « Je suis devenu père quand je suis allé dans le « faire ». Ce sont les actes qu’on fait pour l’enfant qui importent. Finalement, c’est nous qui nous jugeons nous-mêmes. »

« En tant que mère, j’ai fait ce que j’ai pu, mais j’ai été un très mauvais père. J’ai eu beaucoup de mal à endosser les deux rôles. »

« A un mois, mon bébé a eu gros problème de santé. Le papa s’en est occupé. Je crois que je n’en aurais pas été capable mais je ne me suis pas posé la question car le père était la pour le faire. »

Préférence

« Quand on a deux enfants, on peut être un bonne mère pour l’un et pas pour l’autre. »

« L’enfant est une personne unique. Comment gérer les différences d’affinités, et donc d’affection, par rapport aux différents enfants d’une fratrie ? »

« La préférence dépend du moment de notre vie, de la projection que l’on fait sur l’enfant, pas de la tête ou même du caractère du bébé. Ce n’est pas seulement un sentiment de proximité. »

H : « Ma mère a créé un mythe autour de ses accouchements : pour ma soeur, elle a souffert le martyre, pour moi, c’était du velours, génial. Avec cette histoire, elle a nourri une hiérarchie entre ma soeur et moi. La souffrance donnait de l’importance et du sens à la naissance de ma soeur.  »

Parler

« Quand nous avons adopté notre fille, elle avait déjà 4 ans. Elle refusait obstinément que je la câline, alors qu’elle était très tendre avec son père. Ma psy m’a conseillé de lui expliquer que c’était une situation compliquée, et qu’on en soufrait tout les trois. On a beaucoup pleuré lors de cette discussion. Mais depuis, tout a changé. Il faut parler aux enfants. C’est peut-être ça être une bonne mère. »

« Quand je me suis excusée auprès de ma fille, je ne me suis pas considérée comme une mauvaise mère. »

«  Quand je parle avec ma fille, la pression redescend. Ca fait baisser le niveau d’exigence. En fait il n’y a pas une qui donne et l’autre qui reçoit. C’est un échange »

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